1- Le temps est à la rage  2- le lierre  3- Vita est circus  4- Chaussures à nos pieds
5- Le marc du passé  6- Les sutures  7- Nos âmes saoules

 

 Le temps est à la rage
(Dominique LEONETTI)

J’ai rêvé de ciel
de brise légère
qui effleure

j’ai rêvé de miel
de lumière
de fleur

J’ai rêvé d’une aube
restée fidèles
à mes rêves

mais c’est une aube
cruelle
qui se lève

Un œil jeté
par la fenêtre
et je vois encore

une journée
à ne pas mettre
un chien dehors

Je vois les hommes
contre les hommes
partout

et l’homme
pour l’homme
un loup

Le temps est à la rage
Le temps est à la rage

J’ai rêvé de sourires
de longues vies
de sagesse

de coulées de cire
de bougies
de vieillesses

J’ai rêvé de rosée
qui caressent
mes joues

ce sont des gouttes salées
qui se pressent
et qui échouent

Un œil jeté
par la fenêtre
et je vois encore

une journée
à ne pas mettre
un chien dehors

Je vois les hommes
contre les hommes
partout

Et l’homme
pour l’homme
un loup

Le temps est à la rage
Le temps est à la rage

 

 

Le lierre
(Dominique LEONETTI)

Le lierre tresse
autour de nous
des forteresses
pauvre de nous

hommes esseulés
comme végétaux
hommes isolés
sans idéaux

il nous retient
et nous ceinture
les pieds, les mains
et l’encolure

il nous embrasse
et nous caresse
il nous enlace
et puis nous blesse

Bourreau des corps
il se cramponne
il nous endort
et nous abandonne

à nos espoirs
à nos efforts
déjà le soir
coquin de sort

Où est la foule en liesse
et sa promesse
Où est la foule HD
qu’on espérait

Ce barbelé
ce collier d’épines
de quolibets
et de canines

nous enveloppe
de son acier
une antilope
dans un collet

Le lierre gagne
et sous ses griffes
bons pour le bagne
pauvres captifs

hommes esseulés
comme végétaux
hommes isolés
sans idéaux

Où est la foule en liesse
et sa promesse
Où est la foule HD
qu’on espérait

Le lierre sans cesse
qui nous habille
d’une paresse
d’une guenille

quand sur les ruines
de nos utopies
on se résigne
et puis tant pis

Se tait le vent
des rebellions
dans les ciments
des chapes de plomb

hommes esseulés
comme végétaux
hommes isolés
sans idéaux

Où est la foule en liesse
et sa promesse
Où est la foule HD
qu’on espérait

 

 

Vita est circus
(Dominique LEONETTI)

Dans une ambiance lourde
en fanfare sourde
j’ai offert ma tête
à la gueule de la bête

Et moi et mon félin
nous étions fait l’un pour l’autre
nous voici l’un dans l’autre
pourvu qu’il n’est pas faim

Mais j’entends midi qui sonne
et un ventre qui résonne
au creux de son altesse
je lance un SOS

Dans une ambiance lourde
en fanfare sourde
juste avant l’abdomen
je glisse un dernier amen

Vita est circus

Dans une ambiance pesante
en fanfare lente
je suis l’arrogant
du trapèze volant

Mais dans l’incertitude
du lendemain
et du lâcher de main
je prends de l’altitude

Dans les yeux du porteur
je devine une rancœur
je me sens seul au monde
et compte mes secondes

Dans une ambiance pesante
en fanfare lente
j’arrive à l’improviste
pour mon dernier twist

Vita est circus

Dans une ambiance indigeste
en fanfare funeste
je suis le clown usé
par les railleries, les huées

Encore un tour, je resquille
je traine ma bille
et mon teint de cire
sans provoquer de rire

Cerclée de gradins vides
sur la piste aride
je meurs de solitude
et de désuétude

Une ultime cabriole
puis plus rien ne bouge
je gît le nez au sol
dans une flaque rouge

Vita est circus

 

 

Chaussures à nos pieds
(Dominique LEONETTI)

Je m’suis déchaussé
pour traverser la chaussée,
j’avance les pieds nus,
comme au dessus des nues.

Dans les clous je suis
avant le noir de suie,
avant qu’la vie ne cède
et que la nuit me possède.

Je marche dans le vent
dos au soleil levant,
je n’fais que passer
pour devenir le passé.

Au diable mes semelles,
de quoi la mort se mêle,
Je m’suis déchaussé
pour traverser la chaussée.

Où courent ces drôles de zèbres
dans leurs petits souliers,
puisqu’aux pompes funèbres
y aura chaussure à nos pieds.

Avant de me taire
à six pieds sous terre,
avant d’rejoindre le sol
je chante en Fa en Sol.

Avant la dernière ère
quelques paroles en l’air,
avant la mise en bière,
quelques goulées de bière,

quelques mots pour rire
avant de pourrir,
avant d’rejoindre mes pairs,
au diable la paire.

Mes souliers se délacent
et moi je me délasse,
avant de me taire
à six pieds sous terre.

Où courent ces drôles de zèbres
dans leurs petits souliers,
puisqu’aux pompes funèbres
y aura chaussure à nos pieds.

 

 

Le marc du passé
(Dominique LEONETTI)

Une peste brune sillonne et fait son chemin
comme une plaie qui s’ouvre sous le labour d’un surin.
Elle fait ses petits dans tous les ventres vides,
y dépose ses graines d’un sourire candide
mais ses mots costumés vêtues de peaux d’agneaux,
belles paroles, belles, dissimulent les crocs

Une peste brune ruisselle lentement,
partie d’un caniveau pour un rêve d’océan.
Comme une idée saisie dans les ambres du passé,
qu’on croyait endormie dans les bras de Morphée,
comme un arbre en hiver dépourvu de ses feuilles,
que l’on croyait mort, qui ne dormait que d’un œil.

Lisons dans le marc du passé de quoi demain sera fait,
dans les mares de sang ce qui nous attend.

Une peste brune exhume visions et chimères
d’un monde blanc et noir, sans couleurs intermédiaires.
Elle ravive les braises, agite l’épouvantail,
et fait feu de tout bois, fait feu de toute paille,
elle attise les peurs en pompier pyromane,
oh entends-tu les voix qu’elle souffle à nos crânes.

Une peste brune s’invente une auréole
que son ombre trahi en nourrissant le sol.
Pourtant de fil en aiguille et de maille en maille,
son tissu de mensonges, trop haineux pour qu’il m’aille,
fait de nos trois couleurs, ces propres oriflammes,
fait de nos trois couleurs, ces propres oriflammes.

Lisons dans le marc du passé de quoi demain sera fait,
dans les mares de sang ce qui nous attend.

Les sutures
(Dominique LEONETTI)

Tendre des fils entre les monts
et marcher dessus.
Pour se rejoindre, ouvrir des ponts
et des issues.

Se délester de nos armures,
se pardonner.
Se regarder sous toutes les sutures
de nos âmes blessées.

Page après page, tome après tome,
à livre ouvert,
retrouver le blanc, gomme après gomme,
à cœur offert.

Et tout le reste n’est que littérature,
du vent à lire,
des impressions, des couvertures
pour ne rien se dire.

Tout à réécrire, tout à refaire
sur chaque rivage.
Pour s’aimer après la guerre
faut du courage.

 

 

Nos âmes saoules
(Dominique LEONETTI)

Dans une mer à boire,
nos âmes soûles,
seules à la barre,
au grés de la houle,
nourrissent l’espoir
d’une terre qu’on foule.

Dans une mer à boire,
nos âmes soûles,
larguent les amarres
puisque la vie coule
et voguent au hasard,
des vagues qui roulent.

Nos âmes saoules

Nos fièvres, nos candeurs,
nos belles insolences,
nos rêves, nos lueurs,
nos adolescences,
brillent et pleurent,
s’exaltent et dansent.

Nos âmes saoules

Dans l’empire des ondes
valsent les prédateurs,
rois de la ronde,
sombres écumeurs.
Le cynisme inonde
les fois et les cœurs
quand nos âmes vagabondes
prennent de la hauteur.

Nos âmes saoules