1- J’attends un printemps 2- Un linceul de brume 3- Mes amis, mes frères 4- Les côtes
5- Chronique canine 6- Mes semblables 7- De deux choses lune 8- Les 4 mortes saisons
J’attends un printemps
(Dominique LEONETTI)
Les arbres se sont dorés et bientôt leurs précieuses
Emportées par les vents, viendront à nous facétieuses
Et ces fauves parures jusqu’au devant de nos portes
Perdront de leur superbe pour devenir feuilles mortes
Un hiver déshabillera l’automne
S’éteindront lentement les guirlandes rousses
Tour à tour, une à une, un blizzard à leur trousse
Une forêt entière, de ses feux dépourvue
Comme un ciel sans lueur, misérable et nu
Un hiver déshabillera l’automne
Un arbre pleurera toutes les feuilles de son corps
Puis un autre suivra et puis un autre encore
Et puis viendra mon tour, démuni tout autant
Par le courroux des hommes et la froideur des temps
Un hiver déshabillera l’automne
J’attends un printemps…
J’attends un printemps…
J’attends un printemps…
Un linceul de brume
(Dominique LEONETTI)
Laisser entrer
L’air et la lumière
Torse bombé
Poumons offerts
À l’embrasure
Comme une ruée
Dès l’ouverture
De la baie vitrée
Ma bouche bée
Crédule et niaise
S’en est bâfrée
Ne m’en déplaise
Et le nez au vent
Une fausse promesse
La fenêtre rend
La monnaie de sa pièce
Une belle usine
Recrache et fume
Elle nous trahit
Et nous inhume
Oh grise mine
Triste costume
J’ai fait mon lit
D’un linceul de brume
Laisser entrer
L’air et la lumière
Torse bombé
Poumons offerts
Bronches servies
Sur l’autel funeste
D’une époque salie
Qui se déleste
Poitrine fière
Livrée au vent
Comme une bannière
aux belligérants
Et l’air de rien
L’air corrompu
se fraie le chemin
À l’impromptu
Une belle usine
Recrache et fume
Elle nous trahit
Et nous inhume
Oh grise mine
Triste costume
J’ai fait mon lit
D’un linceul de brume
Mes amis, mes frères
(Dominique LEONETTI)
Nous avions les poches pleines
De petits cailloux blancs
Mais sur les routes incertaines
Nous avons semé le vent
Nous étions de sales gamins
Épris de liberté
Dévorant les chemins
Et les épaisses forêts
De jeunes écervelés
Laissant derrière eux
Un chemin immaculé
Sur des milliers de lieues
Levons nos verres
Mes amis, mes frères
Aux temps révolus
Et à nos enfances perdues
Nous étions si loin des cloches
Nous n’avions peur de rien
Comme les pierres ricochent
Nos pieds sur les chemins
Nous étions de sales mioches
Comme il en existe tant
Avec dans la caboche
Aucune notion du vent
Ce vent qui lisse la surface
Qui dissipe les doutes
Qui balaye les traces
De tout pas sur la route
Levons nos verres
Mes amis, mes frères
Aux temps révolus
Et à nos enfances perdues
Nous avons croisé des loups
Et quelques ogres aussi
Ils ont fait de nous
Ce que nous sommes aujourd’hui
Nous avons couru fiévreux
Comme des dératés
Nous sommes devenu vieux
Par le temps rattrapé
Il était une fois
Des enfants oubliés
Quelque part dans les bois
Dans un lointain passé
Levons nos verres
Mes amis, mes frères
Aux temps révolus
Et à nos enfances perdues
Les côtes
(Dominique LEONETTI)
Porter nos manteaux saillants et impitoyables
En récifs de bienvenue aux indésirables
ces cabans hermétiques, impénétrables
Comme une falaise, une dune de sable
Porter nos habits étanches pour que filent sans bruit
Cette vague de larmes à la saison des cris
Livrée à nos seuils par des lames de fond
Livrée à nos plages à la morte saison
Laisser nos côtes protéger nos cœurs arides
Laisser nos mers accomplir ses infanticides
Pendre nos compassions aux portes indifférentes
Comme on abandonne nos vestes ruisselantes
Nos pardessus de mépris, imperméables
à la patère d’un mur infranchissable
Laisser vainement tous les rêves liquides
au fil de l’eau redevenir lucides
Laisser ce vent d’infortune flotter dans l’air
Comme tous ces corps étrangers offerts à la mer
Laisser nos côtes protéger nos cœurs arides
Laisser nos mers accomplir ses infanticides
Exhiber les espoirs d’un monde meilleur
Comme une parure, un habit de splendeur
Mais les mettre au placard comme un habit désuet
Dans un océan de fringues et jeter la clef
Laisser nos humanités dans nos livres d’histoire
En nous laissant penser, en nous laissant croire
Que nous aurions été de celles et de ceux
qui n’auraient pas fermé les bras et les yeux
Laisser nos côtes protéger nos cœurs arides
Laisser nos mers accomplir ses infanticides
Chronique canine
(Dominique LEONETTI)
Si j’avais la parole
Je te dirais pourquoi
Toutes ces farandoles
Toujours autour de toi
J’ai porté sur mon dos
Le poids de l’univers
Et tant de noms d’oiseaux
Pour calmer tes nerfs
Tu m’as dit tous tes maux
Je connais tes secrets
Et mouillé jusqu’aux os
J’ai gardé ton foyer
Sur la route des vacances, je suis comme
Dans un jeu de quilles au mois d’aout
Je serai le meilleur ami de l’homme
Jusqu’à la prochaine aire d’autoroute
Tous les jours à tes pieds
Ton ego je flatte
Assis, debout, couché
Je te donne la patte
Je te serai fidèle
Et de tout réconfort
Répondant aux appels
Et jusqu’à la mort
Oh, je serai ton ombre
Au fil des kilomètres
Peu importe le nombre
Pour l’amour de mon maître
Sur la route des vacances, je suis comme
Dans un jeu de quilles au mois d’aout
Je serai le meilleur ami de l’homme
Jusqu’à la prochaine aire d’autoroute
Nous voici toi et moi
Dans ta voiture sombre
De l’été je sens le poids
Et le bitume fondre
Sous un astre de plomb
Nous allons plus au sud
Loin de la maison
Dans l’infinitude
Quand s’ouvrira la porte
Sur le parking brulant
Tu voudras que je sorte
Et tu feras semblant
Sur la route des vacances, je suis comme
Dans un jeu de quilles au mois d’aout
Je serai le meilleur ami de l’homme
Jusqu’à la prochaine aire d’autoroute
Mes semblables
(Dominique LEONETTI)
Deux yeux, un nez, deux jambes, deux bras
Tous les mêmes, jusqu’au bout des doigts
On marche, on tombe, on rit, on pleure
Tous les mêmes, un foie, un cœur
On court, on sue, on parle, on dort
Tous les mêmes, une tête, un corps
On mange, on boit, on naît, on meurt
Pour tous, idem, passent les heures
Tous les mêmes, tous les mêmes
Tous les mêmes, tous les mêmes
mais pourtant
Tous les soirs, la télé pleure et je me noie
Dans la violence que le journal nous envoie
Et quand ce monde devient intolérable
Je ne me reconnais pas dans mes semblables
Un père, une mère, un jour, une vie
Tous les mêmes, sans nos habits
Sourire aux lèvres, sur notre trône
Tous les mêmes sans nos couronnes
Tous les mêmes, tous les mêmes
Tous les mêmes, tous les mêmes
mais pourtant
Tous les soirs, la télé vomit et je nage
Dans les flaques du journal qui se soulage
Et quand les images deviennent imbuvables
Je ne me reconnais pas dans mes semblables
Et dans cet enfer de tous les diables
Je ne me reconnais pas dans mes semblables
De deux choses lune
(Dominique LEONETTI)
Comme un oiseau
De mauvaise augure
La nuit déploie
Son aile obscure
Une tristesse colle
A nos semelles
Mais nos farandoles
Seront plus belles
De deux choses l’une
Soit nous pleurons
Soit nous dansons
Sous la lune
Des ficelles d’or
Descendent du ciel
S’épinglent à nos corps
De polichinelle
Nos diableries
Se jouent des scalpels
Au fil de la vie
Qui nous rappelle
De deux choses l’une
Soit nous pleurons
Soit nous dansons
Sous la lune
Et notre existence
Reprend sa course
Reprend sa danse
Sous la grande ourse
Et caracole
Rue dans les brancards
Et cabriole
Au nez du soir
Les 4 mortes saisons
(Dominique LEONETTI)
J’ai longtemps attendu
A ses lèvres pendu
Le murmure du vent
Quand sa chanson d’automne
Délicatement questionne
Les feuilles du tilleul
Mais j’ai cherché perdu
Dans la cohue des rues
Un frémissement
Je suis en exil
Dans le grondement des villes
Et je me sens seul
J’ai voulu le silence
Pour entendre les nuances
Des vies endormis
Quand l’hiver laisse mourir
Ses coulées de cire
Sur ce qui bouge encore
Mais dans le grand tintamarre
J’ai perdu l’espoir
De toute mélodie
Je suis en exil
Dans le fracas des villes
Et je me sens mort
J’ai guetté les ailes
Et leur bruissement frêle
Au retour du printemps
Quand leurs seuls battements
définissent le temps
sans compte à rebours
Mais j’ai brulé les heures
A prendre sans bonheur
des vols à contre temps
Je suis en exil
Dans le tumulte des villes
Et je me sens sourd
J’ai tendu l’oreille
Pour qu’un été se fraye
Une voie sans effort
Pour que sa belle source
Dans sa lente course
Arrive jusqu’à nous
Mais les paroles j’ai bu
Jusqu’à n’en pouvoir plus
De ceux qui parlent fort
Je suis en exil
Dans la fièvre des villes
Et je me sens saoul